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La Turquie un pivot eurasiatique

La Turquie, étant historiquement un empire hégémonique à l’échelle internationale, constitue aujourd’hui un pilier géostratégique et un acteur géopolitique principal.

Se situant sur la Mer Noire au Nord et la Méditerranée au Sud, elle a des frontières avec l’Europe au Nord-Ouest, à savoir la Grèce et la Bulgarie, l’Asie au Sud-Ouest, notamment la Syrie et l’Iraq, et à l’Est avec la Géorgie, l’Arménie et l’Iran.

Sa position géostratégique importante, entre l’Europe et l’Asie, lui permet de jouer un rôle clé dans les relations eurasiatiques. Un rôle qualifié, sous la lumière des faits, de pivot médiateur entre les deux camps, Occidental et Oriental.

Malgré sa concurrence avec l’Arabie Saoudite et l’Iran pour la domination géopolitique du Moyen-Orient, ses tensions avec l’Europe concernant les flux migratoires, sa demande d’adhésion à l’UE en suspens, et l’achat des armes depuis la Russie, et malgré les tensions avec la Russie concernant la vente des armes à l’Ukraine et son appartenance à l’OTAN, la Turquie a réussi à assurer un équilibre diplomatique dans la région eurasiatique, par sa médiation dans les guerres opposants l’Est à l’Ouest, principalement la guerre russo-ukrainienne et la guerre syrienne, ainsi que dans les projets qui les relient, essentiellement le projet de la route de la Soie.

Source : Le Chiffre d’affaires, 22 juillet 2022

Bien que les tentatives d’apaiser les tensions entre l’Ukraine et la Russie lors des sommets tenus en Turquie en Mars 2022, avant même le début de la guerre, aient échoué.

 La diplomatie turque a fait ses preuves dans la résolution des crises qui ont résulté de l’invasion russe de l’Ukraine.

La Turquie a joué, durant la guerre russo-ukrainienne, un rôle clé dans les négociations entre la Russie et les pays occidentaux afin de permettre le passage des navires ukrainiens d’exportation des céréales vers les pays européens, de l’Asie et de l’Afrique à travers la Mer Noire contrôlée par la Russie suite à son invasion de l’Ukraine en février 2022.

Puisque l’invasion a permis le contrôle russe sur des villes ukrainiennes côtières stratégiques qui se situent sur la Mer Noire, principalement la ville de Donetsk, Marioupol, la Crimée, et Kherson, et la mise en place en Mai 2022 un blocus maritime, composé de navires comme le Moskva et Vasily Bekh, et des sous-marins qui s’étendent jusqu’à les côtes turques, sur la ville d’Odessa située également sur la Mer Noire. Cette ceinture navale russe a permis le contrôle des côtes maritimes ukrainiennes afin d’intercepter les attaques et bloquer le commerce maritime de l’occident.

Ce blocus maritime russe avait pour conséquence un blocage des exportations ukrainiennes, principalement des céréales.

 Ce qui a causé une crise alimentaire mondiale. Surtout que l’Ukraine constitue l’un des principaux exportateurs des céréales dans le monde.

La complexité de la crise a nécessité une médiation entre les deux blocs Ouest et Est assuré par un pays proche des deux afin d’entamer des négociations pour instaurer un corridor humanitaire et un passage maritime sécurisé pour les navires commerciaux ukrainiens exportant les céréales. Une mission que la Turquie s’est imposée à assurer.

En juillet 2022[1], après des négociations tenues en Turquie, un accord d’Istanbul a été signé entre la Russie et l’Ukraine par la méditation turque et onusienne permettant, d’une part, la création des couloirs sécurisés pour le passage maritime des navires ukrainiens des céréales dans la mer Noire sans être attaqués et des navires russes sans être sanctionnés, en plus de l’inspection des navires entrants et sortants de l’Ukraine par un Centre de Coordination Conjointe, et le déminage de la Mer Noire de l’autre part. Cet accord a duré 4 mois, et dont les négociations pour son extension pour 6 mois puis 2 mois ont également été assurées par la Turquie.

Cela a permis à la Turquie non seulement de faire réussir un accord entre deux rivaux en guerre atroce, mais également de résoudre une crise alimentaire mondiale majeure qui a touché tous les pays du monde, en plus de parvenir à assurer un échange de prisonniers entre les deux pays.

Ce choix stratégique de la médiation turque revient non seulement au fait que la Turquie soit un pays situé sur la Mer Noire, concerné par les attaques qui s’y font et contrôlant le détroit du Bosphore, endroit de passage des navires russes et ukrainiens, et au fait que la Turquie soit dépendante des céréales provenant de la Mer Noire, mais en plus la Turquie est un pays qui a des relations proches avec les deux parties de la guerre, en ayant des cartes à jouer et des intérêts à réaliser.

Du côté occidental, la Turquie est membre de l’OTAN et demande d’adhérer à l’UE. Elle a des frontières avec la Bulgarie et la Grèce, constituant l’une des routes migratoires les plus importantes au monde. Ce qui fait que les deux coopèrent étroitement pour gérer le flux migratoire passant par leurs frontières. De même, la Turquie et l’UE ont des relations commerciales, technologiques, militaires et touristiques importantes. Avec l’Ukraine, la Turquie possède des échanges commerciaux importants en hausse, principalement des céréales, l’huile, l’armement comme les drones de Bayraktar TB2 que la Turquie a vendu à l’Ukraine, et des projets de production militaire turco-ukrainiens.

 Dans sa guerre avec la Russie, la Turquie a montré son soutien en défendant la souveraineté ukrainienne à travers le vote des résolutions de l’ONU en faveur du respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

L’équilibre de la diplomatie turque se constate dans le fait que la Turquie possède également des relations proches avec la Russie.

Du côté oriental, la Russie et la Turquie ont des relations énergétiques, agricoles, et touristiques importantes. En effet, devançant l’Iran et l’Azerbaïdjan, la Russie est en 2020 le premier fournisseur du nucléaire, de gaz et d’hydrocarbures à la Turquie à travers des pipelines les reliant.

 Les deux pays ont également des relations agricoles étroites, qui se manifestent par l’export important des céréales depuis la Russie, et des fruits et légumes depuis la Turquie. Les relations touristiques entre les deux pays sont également considérables. En plus, les deux pays ont des relations militaires importantes, qui s’est constaté dans l’achat de la Turquie des missiles russes s-400 en 2017 malgré les sanctions de l’OTAN.

 D’ailleurs, le rapprochement géopolitique entre les deux pays a commencé lors de la guerre syrienne. Et dans sa guerre avec l’Ukraine, la Turquie a montré son soutien à la Russie en s’abstenant de voter les résolutions de l’ONU qui demandent son retrait du territoire ukrainien et en ne s’associant pas aux sanctions de l’occident contre la Russie, ni dans la guerre de 2022 ni dans l’annexion de la Crimée en 2014, que la Turquie ne l’admet, d’ailleurs, toujours pas.

Au-delà du succès diplomatique en tant qu’un pivot équilibriste, la Turquie cherche à réaliser ses propres intérêts par cette politique de médiateur. Principalement, pour faire pression afin d’accepter sa demande d’adhésion à l’UE, pour acheter depuis les États-Unis les F-16, et pour régler la question des Kurdes en les extradant vers la Turquie et en reconnaissant le PKK en tant qu’une organisation terroriste afin d’éliminer définitivement le risque d’indépendance kurde.

La guerre Russo-ukrainienne a été un des dossiers discuté par la Turquie avec le bloc oriental lors d’un sommet avec la Russie et l’Iran sur la guerre syrienne, où la Turquie a joué également le rôle de médiateur entre le bloc oriental et occidental.


[1] Jean Marcau, ‘’La Turquie et la guerre en Ukraine : de la posture du grand écart à la doctrine de connivence’’, Magazine diplomatie, Areion24news, mars 2023,

https://www.google.com/amp/s/www.areion24.news/2023/03/14/la-turquie-et-la-guerre-en-ukraine-de-la-posture-du-grand-ecart-a-la-doctrine-de-la-connivence/amp

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