La nouvelle configuration conceptuelle des guerres asymétriques
Fajraoui Nourhouda Département de recherche, d’études stratégiques et de relations internationales 23-09-2024
Introduction :
Dans un contexte mondial marqué par la fin des empires coloniaux, la montée des États-nations et la résurgence des idéologies radicales, deux types de mouvements se sont illustrés dans la nouvelle configuration conceptuelle des guerres asymétriques : les mouvements nationalistes, qui luttent souvent pour l’autodétermination, et les mouvements terroristes, qui cherchent à imposer par la violence un nouvel ordre politique ou religieux.
Bien que les deux puissent recourir à des tactiques similaires, leurs objectifs, leur légitimité et leur perception internationale diffèrent largement d’où l’objectif de cette analyse est de mettre en oeuvre comment les mouvements nationalistes et terroristes se distinguent mais aussi dans quelle mesure leurs trajectoires peuvent parfois s’entrecroiser dans le cadre des conflits asymétriques modernes.
Les guerres asymétriques désignent des situations de conflit où les parties impliquées ne possèdent pas une parité militaire ou technologique, souvent, dans ces conflits des forces régulières telles que les armées nationales sont confrontées à des groupes non étatiques ou à des insurgés qui utilisent des tactiques irrégulières.
Dans cette perspective, il est pertinent de comparer les mouvements terroristes aux mouvements nationalistes car ces deux types d’acteurs mènent des luttes asymétriques mais avec des objectifs différents.
Origines et motivations idéologiques :
En règle générale, les mouvements nationalistes naissent dans un contexte d’oppression coloniale ou de domination étrangère d’où ils sont principalement motivés par la volonté d’autodétermination, de souveraineté et de création d’un État indépendant ou d’une plus grande autonomie pour une région donnée dès lors ils sont souvent justifiés par le droit des peuples à leur propre existence, stipulé dans des accords internationaux.
A titre d’exemple, on cite les Tupamaros qui sont apparus dans le cadre des tensions politiques internes de l’Uruguay dans les années 1960, à une époque où de nombreux mouvements de guérilla en Amérique latine émergeaient dans le sillage de la révolution cubaine et comme objectifs ils prônaient la justice sociale, la redistribution des richesses et la lutte contre l’impérialisme étranger et la transformation de l’Uruguay en un État socialiste par la voie révolutionnaire d’ou leur idéologie socialiste était profondément ancrée dans les luttes ouvrières et paysannes, et ils préconise une révolution populaire pour éradiquer l’injustice sociale.
En contrepartie, les mouvements terroristes, quant à eux, sont fréquemment animés par des idéologies extrêmes, religieuses, politiques ou sociales d’où ils contestent le système en place et tentent de mettre en place un nouveau système politique ou religieux par la violence. À la différence des nationalistes, ils ne s’efforcent pas forcément de créer un État-nation, mais d’imposer une vision radicale du monde
Prenant l’exemple de BOKO HARAM qui est né dans le contexte d’une radicalisation religieuse et de tensions ethniques au Nigéria d’où l’émergence de Boko Haram est liée à l’effondrement de l’autorité de l’État dans le nord du Nigéria.
Le groupe islamiste rejette l’influence occidentale et vise à imposer la charia dans tout le pays Son objectif principal est d’instaurer un califat islamique régi par la loi islamique, tout en rejetant toute forme d’éducation.
Stratégies et tactiques :
Les mouvements nationalistes privilégient souvent la guérilla ou des actions militaires contre des cibles stratégiques, comme des infrastructures ou des symboles de l’autorité de l’État oppresseur ou ils cherchent à affaiblir les forces ennemies tout en gagnant le soutien de la population locale et de la communauté internationale et généralement leur recours à la violence est ciblé et justifié par la lutte pour la liberté et l’autodétermination.
Dans ce cadre, Les Tupamaros étaient connus pour leurs opérations de guérilla urbaine, ciblant les forces de sécurité, les banques et les infrastructures gouvernementales par des actions clandestines et ils cherchaient, aussi, à mobiliser la population par des actions spectaculaires comme des kidnappings d’officiers et de diplomates, cherchant à perturber le fonctionnement de l’État uruguayen sans s’engager dans une confrontation militaire directe.
En revanche, les mouvements terroristes se distinguent par l’usage systématique de la terreur contre des civils, sans distinction de cibles. Leur objectif est de semer la peur, de déstabiliser les États et d’attirer l’attention internationale par des actes spectaculaires et choquants.
Ainsi, Boko Haram, utilise des tactiques de guérilla brutales et destructrices, comme des attaques de villages, des attentats-suicides et des enlèvements massifs. Contrairement aux Tupamaros, qui ciblaient principalement les institutions, Boko Haram n’hésite pas à terroriser les civils, les écoles et les lieux de culte pour déstabiliser la région.
Impact géopolitique et dynamiques régionales:
Lorsqu’ils parviennent à atteindre leurs objectifs, les mouvements nationalistes ont la capacité de redéfinir les frontières politiques et de changer l’équilibre régional et ont également la capacité de générer des effets domino, incitant d’autres peuples à se battre pour leur propre libération. D’où les Tupamaros, bien qu’échouant dans leur tentative de révolution armée, ont contribué à la militarisation du régime uruguayen, menant à une dictature militaire entre 1973 et 1985.
Cependant, plusieurs de leurs anciens membres, dont José Mujica, ont fini par jouer un rôle clé dans la politique uruguayenne démocratique post-dictature.
D’autre part, les groupes terroristes ont tendance à déclencher des conflits prolongés et à accentuer l’instabilité régionale et leurs actions peuvent entraîner une intervention militaire internationale, comme cela s’est produit avec la coalition contre l’État islamique en Syrie et en Irak. D’où les conséquences géopolitiques de ces interventions sont souvent plus étendues, impliquant des acteurs étrangers qui tentent de limiter la menace terroriste tout en continuant leurs propres intérêts stratégiques.
Conclusion :
La guerre moderne ne se gagne plus seulement sur les champs de bataille, mais dans les villages, les communautés et les cœurs des populations. Si les forces armées peuvent détruire les structures d’un ennemi, seul le soutien populaire peut construire une paix durable. Toutefois, cette stratégie, en dépit de ses promesses, se heurte souvent aux réalités complexes du terrain, où les intérêts locaux, les cultures et les mémoires collectives façonnent des résistances profondes.