Dominique de Villepin : “Nous sommes désormais dans un monde sans règle et sans droit international”

Département de recherche, d’études stratégiques et de relations internationales 24-06-2025
L’ancien Premier ministre et ancien ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin était l’invité de France Inter ce mardi. Il apporte son analyse sur la guerre entre l’Iran et Israël, après les frappes américaines puis l’annonce d’un cessez-le-feu par Donald Trump.
Dominique de Villepin, homme politique et diplomate français
Face à l’embrasement de la situation au Moyen-Orient, l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin alerte : “Nous sommes dans un monde plus dangereux parce que nous sommes désormais dans un monde sans règle et sans droit international.” Après les frappes américaines sur des sites nucléaires iraniens, qu’il qualifie d'”illégales”, Dominique de Villepin souligne que “nous franchissons des seuils sans nous en rendre compte et sans ticket retour”.
Le président américain, Donald Trump, a annoncé mardi l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu entre l’Iran et Israël, sans confirmation directe par Téhéran.
“La loi de la jungle est ce qui prévaut partout dans notre monde”
“Le paradoxe ce matin, c’est que si chacun peut se réjouir de voir le régime des mollahs affaibli et le programme nucléaire iranien retardé, nous sommes néanmoins dans un monde plus dangereux parce que nous sommes désormais dans un monde sans règle et sans droit international. C’est-à-dire que la loi de la jungle, la loi du plus fort, c’est ce qui prévaut partout dans notre monde”, insiste-t-il. “Ce qu’il s’est passé ces derniers jours au Moyen-Orient peut se répéter dans d’autres continents. Et le fait que nous, Occidentaux, soyons parmi les initiateurs, à travers les États-Unis et les initiatives d’Israël, doit nous concerner au premier chef parce que cela accroit la fracture contre laquelle la France a lutté depuis le début des années 2000, et c’était le combat de 2003 : éviter cette fracture entre l’Europe, les États-Unis et le reste du monde, le ‘sud global’, avec ce risque d’embrasement, de guerre infiniment plus dangereuse, compte tenu des moyens, des arsenaux, dont disposent aujourd’hui les différents pays.”
Pour lui, les frappes américaines n’étaient pas nécessaires : “Je suis d’accord avec Emmanuel Macron quand il rappelle que ces frappes sont illégales. Il ne fallait pas les faire dans la mesure où la diplomatie permettait d’avancer”, dit-il.
“On ne peut pas mettre son bonnet sur les injustices et penser qu’on étouffera ainsi les flammes”
Dans son livre “Le pouvoir de dire non” (Flammarion), ce mercredi en librairie, Dominique de Villepin écrit que “Gaza n’est pas un simple conflit local, isolé sur la carte du monde, déjà en flamme. C’est un symbole et un avertissement.” “Avertissement de ce que nous avons l’obligation de traiter les injustices et le malheur du monde. Parce qu’on ne peut pas mettre son bonnet sur les injustices et penser qu’on étouffera ainsi les flammes, les passions qui ne manquent pas de surgir”, explique l’ancien Premier ministre. “Aujourd’hui, Israël se retrouve dans une nouvelle étape qui n’est pas facile. Et nous devrons accompagner, encourager Israël dans cette voie qui est une étape politique.”
Par ailleurs, “il appartient à l’Europe, il appartient aux États-Unis, de jouer tout leur rôle pour que nous sortions de l’escalade militaire et que nous rentrions dans l’âge de la responsabilité dans cette région, sur le plan politique, sur le plan humanitaire, parce que nous voyons bien que ce sont les populations civiles qui sont l’impensée de ces drames militaires”, ajoute-t-il.